Une histoire de la conquête de l’air

19 novembre 2019 Histoire de l’aérostation

Du rêve de voler à la conquête de l’espace aérien, une histoire des pionniers

S’il est une conquête que l’Homme a mis du temps à remporter, c’est bien celle de l’espace aérien. Comment l’homme est-il passé du rêve de voler à la conquête de l’air ? Cette brève histoire du rêve aérien tente de retracer à quel point ce projet s’enracine dans l’histoire longue de l’humanité.

Dès la Préhistoire, Homo Sapiens s’intéresse à cet espace dans lequel évoluent les oiseaux et dont il trace quelques esquisses au fond des grottes. Au fil du temps, des grands mythes aux découvertes scientifiques des Temps Modernes, pas une génération n’a échappé au rêve de prendre son envol. Comment l’Homme est-il passé du rêve de voler à l’embarquement à bord du premier engin volant de l’histoire, la montgolfière ? Voici une brève histoire de rêves et d’aventures que seul ce drôle d’animal que nous sommes, l’Homme, a réussi à rendre réalité.

Dès la Préhistoire, l’oiseau surgit sur les parois des grottes

le hibou rappelle l'intérêt de conquérir l'espace dès la préhistoire
Caverne du Pont D’Arc, Ardèche

Il y a près de 30 000 ans, sur les parois de la caverne du Pont d’Arc en Ardèche, un hibou est tracé dans le calcaire blanc par le doigt d’un être humain très observateur. Oiseau nocturne et silencieux, le hibou a aiguisé la curiosité d’Homo Sapiens : circuler dans le ciel noir de la nuit à l’abri des dangers a de quoi forcer l’admiration

L'Homme-oiseau dessiné sur les parois de la grotte de Lascaux
L’Homme-oiseau à Lascaux, il y a 15000 ans

Espace réservé aux oiseaux, le ciel est peuplé d’êtres ailés merveilleux. Ainsi, l’Homme-Oiseau représenté il y a 15 000 ans au fond d’une grotte à Lascaux, rappelle que ce désir de voler est présent très tôt dans l’histoire : A quoi rêve l’homme à tête d’oiseau ? S’échapper des dangers terrestres en prenant la voie des airs ? Communiquer avec les esprits qui flottent autour des hommes ? Dans tous les cas l’oiseau fascine.

La mythologie est peuplée de divinités ailées

des divinités ailées SYMBOLES DE LIBERTÉ

Espace privilégié, le ciel est un lieu idéalisé où l’homme peut s’échapper de sa condition de mortel. Voler comme un oiseau offre aux hommes de nombreuses possibilités : s’échapper des dangers bien sûr, mais aussi acquérir un pouvoir extraordinaire sur le monde ! Les mythes qui mettent en scène des dieux et déesses volants évoquent cet immense pouvoir auquel pourrait accéder l’homme s’il rivalisait avec les dieux. C’est sans doute pourquoi, dans les mythes, ce rêve fou de voler est le plus souvent inaccessible pour le pauvre terrien. Soumis aux pires épreuves dès lors qu’il tente de se mesurer aux dieux, ses tentatives pour s’envoler finissent le plus souvent en tragédie.

Ishtar, déesse de l'air et de la nuit
Ishtar ou The queen of the night, 49,5 x 37cm, argile, XVIII-XIXè siècle av. J.-C. British museum, Londres

Voler dans le ciel, ESPACE DE LIBERTÉ ABSOLU

Ishtar-Inanna, la « Dame du Ciel » en sumérien, déesse aux pattes de rapace du IIIème millénaire av. J.-C. est une des plus belles divinités ailées de la mythologie antique. Déesse de la beauté, surnommée la Reine de la nuit, Ishtar-Inanna est crainte des hommes car son tempérament est aussi agité que l’atmosphère dans laquelle elle évolue. Superbe déesse, elle incarne l’amour libre, mais peut soudainement entrer dans une colère terrible et envoyer les hommes aux Enfers ! Une sacrée divinité que les peuples de Mésopotamie ont adulé plus de 1000 ans.

Voler pour fuir les dangers

Chez les Grecs, voler pour fuir les dangers est une pratique courante dans la grande famille de Zeus : on connaît le facétieux Hermès qui fuit la colère de son frère Apollon à qui il a dérobé ses génisses. Hermès a de la chance, ses fameuses talaria ou sandales ailées le sauvent d’une vengeance divine terrible ! C’est bien en prenant ses jambes à son cou qu’il s’en tire…d’ailes !

Le dieu ailé est messager des hommes
Hermès, poterie grecque à figures rouges

Voler pour communiquer avec les divinités

Chez les êtres humains, voler est aussi un moyen de s’échapper.

Rien n’est simple pour les mortels : rappelons-nous d’Icare et sa fuite éperdue du labyrinthe du Minotaure : s’il se brûle les ailes (de cire et de plumes) en s’approchant trop près du soleil, c’est bien parce que l’Homme, en l’occurrence son père Dédale, a cherché à imiter le vol des oiseaux pour le libérer. Icare le paie de sa vie. Il n’est pas bon vouloir rivaliser avec les créatures divines dans la mythologie.

Le mythe d'Icare ou le rêve de s'échapper de sa condition de mortel
La chute d’Icare par Jacob-Peter Gowy (1615-1661), 195 x180cm,
vers 1635-1637, Musée du Prado, Madrid.

Les monothéismes ont leurs personnages ailés, qui s’adressent aux prophètes et autres messies pour leur révéler des paroles divines venues des espaces éthérés. Les artistes ont longtemps représenté l’idée du divin à travers ces anges, capables de faire le lien entre le monde des hommes, terrestre, et celui des divinités installées quelque part dans le ciel.

L'ange au sourire sur la façade de la cathédrale de Reims permet d'appréhenser le plaisir divin de voler
Ange au sourire, vers 1240, portail nord de la cathédrale de Reims

Un poisson volant pour changer

Tout au long de l’Histoire, toujours inspirés par les oiseaux, des personnages affublés d’ailes ont incarné le rêve de voler. Seul Jérome Bosch à la fin du XVème siècle, eut l’idée originale d’imaginer un voyage aérien sur l’épine dorsale d’un poisson dans « les Tentations de Saint-Antoine » en 1502.

Détail de La Tentation de Saint-Antoine, triptyque vers 1501, Jérome Bosch, Musée national des Arts Anciens, Lisbonne.

A la Renaissance, l’Homme-machine est décidé à voler

A la Renaissance, il y a à peine 500 ans, la redécouverte de l’Antiquité est enrichie par le goût des sciences et des techniques. Forts de leurs savoirs et d’un désir fou d’innover dans tous les domaines, les hommes de la Renaissance se lancent dans des expériences aventureuses ! L’idée d’un homme-machine décidé à voler mûrit dans les plus grands esprits, celui de Léonard de Vinci en tête. C’est au cœur de l’Europe, en Italie, que ces rêves sont esquissés.

Carnets de Léonard de Vinci (1452-1519), British Library

Réaliser des ailes sur le modèle des oiseaux ou des chauve-souris, il y a longtemps que les hommes et les héros y songent, …pensez à Icare ! Mais c’est Léonard de Vinci (1452-1519), dont on célèbre cette année les 500 ans, qui proposa le premier une curieuse machine volante que certains estiment être le prototype, qui du parachute, qui de l’hélicoptère. Mais de l’idée géniale à la concrétisation du projet, le maître n’acheva pas son rêve.

En revanche, on sait que cette machine, qui devait fonctionner à la force motrice d’un homme installé en son cœur, aurait eu bien du mal à décoller. Pensez ! l’homme le plus costaud n’aurait sans doute pas tenu longtemps au regard du poids de la machine et de la puissance nécessaire pour faire tourner l’hélice ! Vous avez un doute ? Venez en juger par vous-mêmes en découvrant ces machines au Clos-Lucé à Amboise, dernière demeure du génie De Vinci en Val de Loire.

Quand la géométrie s’en mêle, il ne faut pas se fier aux apparences

On peut admettre qu’au cours du temps, l’aile fut le modèle indépassable pour qui voulait s’élever dans les airs et planer comme les oiseaux. Depuis l’Antiquité la plus lointaine jusqu’à l’époque moderne au XVIème siècle, l’observation et l’imitation des ailes des oiseaux est le modèle pour qui rêve de voler. Pourtant quand la géométrie s’en mêle, il ne faut pas se fier aux apparences. C’est une autre forme, bien moins évidente, a priori, qui permet aux hommes de dépasser le stade du rêve pour enfin envisager de réaliser leur projet de voler : qui aurait cru que le ballon allait permettre aux hommes de s’élever dans les cieux ?

De la gravité au poids de l’air

Un des problèmes majeurs qui se pose aux courageux pionniers de l’aérien est la gravité. Celle-ci les a toujours rattrapée et ils finirent le plus souvent bien mal en point après un atterrissage plus ou moins brutal. Lorsque Newton décrit ce phénomène physique vers 1670 -1672, il partage avec ses contemporains une curiosité insatiable pour les sciences.

Les recherches sur la composition de l’air prendront encore quelques décennies avant d’être identifiée et décrite. D’ici là, dans cet élan de curiosité scientifique tous azimuts, des « intuitions » permettent le développement de nouvelles théories. Ainsi de la découverte du poids de l’air grâce à l’invention du baromètre à eau. Et c’est là qu’éclot la formidable idée de Francesco Lana-Terzi ( 1631-1687), véritable inventeur du ballon volant, le premier aérostat.

Lana-Terzi, de l’aile au ballon ou comment être plus léger que l’air

Francesco Lana-Terzi (1631-1687) est le premier à avoir l’idée de renoncer à l’aile d’oiseau pour s’élever et planer dans le ciel. Il lui préfére le ballon afin de voler dans un engin plus léger que l’air. Un siècle avant les frères Montgolfier, cet italien incroyablement imaginatif conçoit le premier vaisseau volant (presque) fonctionnel. Son idée audacieuse pour l’époque est qu’on peut concevoir un vaisseau tellement léger qu’il pourrait s’élever et se diriger dans les airs.

Mais qui est Lana-Terzi ?

Esprit curieux et hyperactif, ce père jésuite s’intéresse aux sciences de son époque avec avidité : l’astronomie, la météorologie, la physique sont ses terrains de jeux intellectuels préférés. Après avoir corrigé les calculs de Galilée, il tente de mesurer la profondeur de la mer, invente des horloges, mais c’est la découverte du baromètre à eau qui l’amène à concevoir le poids de l’air… et son imagination s’emballe !

Le vaisseau volant de Lana-Terzi

En 1670, il publie un ouvrage très curieux, Podromo, Ouero saggio di alcune inventioni nuove dans lequel on peut lire un chapitre intitulé  » Construire un navire qui se soutienne dans l’air et se déplace à l’aide de rames et de voiles, on démontre que ce projet est pratiquement réalisable. »

On n’a jamais cru possible jusqu’ici de construire un navire parcourant les airs comme s’il était soutenu par de l’eau, parce qu’on n’a jamais jugé que l’on pourrait réaliser une machine plus légère que l’air lui-même : condition nécessaire pour obtenir l’effet voulu. M’étant toujours ingénié à rechercher les inventions des choses les plus difficiles, après de longues études sur ce sujet, je pense avoir trouvé le moyen de construire une machine plus légère en espèce que l’air, qui, non seulement, grâce à sa légèreté, se soutienne dans l’air, mais qui encore puisse emporter avec elle des hommes, ou autre poids, et je ne crois pas me tromper, car je n’avanace rien que je ne démontre par des expériences certaines, et je me base sur une proposition du onzième livre d’Euclide, que tous les mathématiciens admettent comme rigoureusement vraie

Le premier vaisseau volant ?

Le vaisseau volant de Lana Terzi , déjà plus léger que l'air

Quel est ce vaisseau volant auquel songe ce génial inventeur ? A défaut de le construire, il nous en propose une magnifique figure, très détaillée, avec nombres de calculs précis réalisés pour mesurer les proportions et le volume.

Ainsi son vaisseau est constitué d’une nacelle destinée à emporter des voyageurs. Celle-ci s’élève grâce à un ensemble de ballons de cuivre vidés de leur air. Cette prouesse technique est possible car des expériences récentes ont permis d’inventer un système de pompe permettant de faire le vide d’air dans des récipients. Francesco Lana-Terzi connaît ces pompes et imagine un dispositif à la pointe de la science.

De nombreux calculs lui permettent d’évaluer à 290 kilogrammes la masse d’air contenue dans les sphères. En les vidant de ce poids, il émet l’hypothèse qu’il les rend plus légères que l’air et ainsi rend possible l’envol du vaisseau. Affublé d’un mât et d’une voile, ce superbe engin est en outre capable de naviguer selon la volonté du pilote… Il s’agit ni plus ni moins du premier vaisseau volant dirigeable de l’Histoire.

En fait, le projet de Lana-Terzi a failli réussir mais n’a jamais été testé. Pire, on sait aujourd’hui que son invention n’aurait pas fonctionné. Vous vous demandez bien pourquoi ? Revenons à la fin du XVIIème siècle et observons ce que les savants connaissent de l’atmosphère et ses contraintes.

La pression atmosphérique ne fait pas bon ménage avec des ballons de cuivre

Le vaisseau muni de ballons de cuivre imaginé par Lana-Terzi aurait sans aucun doute connu de sérieuses difficultés dès son envol. La pression atmosphérique n’aurait pas fait bon ménage avec ses ballons de cuivre…

En effet, conçus en fines feuilles de cuivre d’un diamètre de 7,5 mètres, ils se seraient certainement aplatis sous le poids de la pression atmosphérique. A cette époque, le XVIIème siècle, cette notion n’a pas encore été pensée par les savants. Il faut attendre le siècle suivant, celui des Lumières et ses formidables avancées scientifiques pour que les découvertes des composés atmosphériques et la pression de l’air permettent de repenser le projet de voler.

Par ailleurs, une autre erreur de Lana-Terzi (mais également de nombreux théoriciens de l’époque) est d’ignorer qu’un aérostat évolue dans le vent et qu’il n’y a donc pas de courants aériens sur lesquels s’appuyer pour diriger le vaisseau ! Il n’y a donc aucune possibilité de naviguer dans les airs comme les bateaux sur l’eau malgré le mât et la voile.

Néanmoins, ce grand inventeur méconnu qu’est Lana-Terzi méritait ces quelques lignes et notre reconnaissance. Grâce à son imagination débordante, il engagea les travaux de recherche de ses successeurs vers une nouvelle forme géométrique pour dépasser l’idée de l’aile d’oiseau comme seul moyen de prendre son envol.

Si vous vous demander où trouver des informations sur ce personnage, consultez le catalogue de la collection des frères Tissandier réalisé par Pierre Bergé et associés. Il est entièrement consacré à l’histoire de l’aérostation. C’est là que je fis connaissance, pour la première fois, avec ce pionnier italien génial.

L’invention du ballon plus léger que l’air à la fin du XVIIIème siècle

Il faut attendre un bon siècle pour que l’idée de s’élever dans le ciel en étant plus léger que l’air soit reprise. L’invention du ballon plus léger que l’air à la fin du XVIIIème siècle en France est une avancée majeure dans l’histoire de la conquête de l’espace aérien. Grâce aux progrès de la recherche et à l’intuition de quelques « savanturiers » , l’homme accède pour la première fois de son histoire à l’espace merveilleux de l’aérien. Il est temps d’évoquer les célèbres frères Joseph et Étienne Montgolfier et du mécanicien Jacques Charles.

C’est le 27 août 1783 à Paris qu’un ballon imperméable empli d’hydrogène s’élève au-dessus d’une foule stupéfaite. Le savant mécanicien Jacques Charles (1746-1823) accomplit alors l’exploit de faire voler un engin plus léger que l’air. L’utilisation de ce gaz, l’hydrogène, est une première à cette échelle. Découvert en 1766 par l’anglais Cavendish puis étudié par Lavoisier quelques décennies plus tard, l’hydrogène autorise, malgré le risque d’explosion, les premières expériences aérostatiques.

Quatorze fois plus léger que l’air, le ballon à gaz fait ses premiers envols. Quelques jours plus tard, le ballon à air chaud des frères Montgolfier est présenté au roi Louis XVI.

L’invention de la montgolfière

Conservé à la BNF, Paris

L’invention de la montgolfière est rapportée par cette curieuse anecdote : le plus jeune des frères Montgolfier faisant sécher sa chemise au-dessus de l’âtre de son foyer la vit s’envoler dans le conduit de la cheminée ! Le ballon gonflé à l’air chaud était né. L’anecdote est-elle véridique ? Quelle importance ! les papetiers d’Annonay, père et fils, sont de ces jeunes « startuppers » de la fin du XVIIIème siècle. Curieux de toutes les innovations de leur temps ils pratiquent de nombreuses expériences pour améliorer les techniques de leur manufacture de papier. Fils légitimes de ce Temps des Lumières, poussés par leur entourage, ils mettent au point leur premier ballon.

D’abord construit en soie pour des essais privés durant l’hiver 1782-1783, un ballon de 900m3 en coton cousu sur du papier est présenté à la population d’Annonay le 4 juin 1783. Chauffé par un feu de paille, il s’envole à près de 400m d’altitude dans la campagne ardéchoise. C’est une réussite, le ballon s’éloigne, poussé par le vent, avant d’achever sa course, retrouvant la gravité, dans un champ, à quelques trois kilomètres de là.

Officiellement présenté au roi Louis XVI cette invention change pour toujours le cours de l’histoire. En présence de la cour et d’un célèbre savant-philosophe américain, Benjamin Franklin le rêve de voler a été exaucé. C’était à Versailles le 19 septembre 1783. Bientôt des hommes grimperont à bord, Pilâtre de Rozier et le marquis d’Arlandes, mettant fin aux superstitions et croyances d’un espace aérien interdit aux hommes.

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